Cecilia Mangini, une pasionaria de l’image (1927 – 2021)

Photo © Livia Saavedra

Cécilia Mangini nous a quittés hier, après une vie pleine d’énergie, d’intelligence, de travail et de rencontres.
Elle nous laisse dans cette période folle où le cinéma, le sien et celui des femmes notamment, nous manque et souffre des écrans éteints.
Grande dame du documentaire, le festival lui rendra hommage du 02 au 11 avril 2021.

« Je voudrais te dire, Cecilia, combien tu as été précieuse, dans cette belle aventure qui nous amena à présenter tes films à Créteil en 2011 puis au Canada, au pays du grand ciel puis à travers l’Europe et dernièrement à la BPI de Beaubourg grâce à l’invitation de Harry Bos et au travail dans notre équipe, à Créteil de Marina Mazzotti et en Italie de Paolo Pisanelli, (à qui nous devons ce beau portrait).
En t’adressant à nos amies de Montréal, tu avais dit « en revenant à Rome, j’ai eu la sensation que tout allait se rétrécir, et que l’immensité de votre ciel resterait parmi mes souvenirs les plus chers».
Ton voyage continue à travers tes images, ton regard et la magie opèrent encore, tellement tu sais faire se rejoindre le ciel et la terre vers un nouvel horizon.
Nos pensées t’accompagnent ».
Jackie Buet, Directrice
Et toute l’équipe du Festival International de Films de Femmes de Créteil

Une pasionaria de l’image sur la terre comme au ciel
Peu de paroles religieuses surnagent de mon enfance catholique si ce n’est cette phrase à la fois poétique et fascinante de mystère : sur la terre comme au ciel…
De grands signes noirs et écrasants ont surplombé l’enfance de Cecilia. Petite elle s’est levée, comme ses camarades de classe, sous la contrainte du fascisme, pour saluer un drapeau symbole d’un national-socialisme fou et violent.
Plus tard sa caméra sera, comme celle de ses compagnons, ce troisième œil qui dévoile et permet de révéler la complexité des vies en prise avec leur Histoire et leur héritage. Elle contribuera à la naissance d’un cinéma qui restitue l’Italie aux Italiens.
Dans une de ses photographies, où le choix du moment de la prise de vue, le choix du cadrage déterminent les rapports entre les plans à l’intérieur de l’image, l’usine perdue dans la brume prend l’aspect quasi fantomatique d’un bateau qui partirait en laissant sur le quai un naufragé, un oublié de la modernité. Elle parle du peuple, des exploités, des travailleurs et travailleuses.
Quand j’ai découvert les films de Cecilia Mangini, certains ancrés dans les rituels populaires religieux, d’autres mêlés aux gestes du travail des ouvriers, ou des femmes, d’autres encore inspirés par la fougue de l’enfance ou les blessures de la pauvreté, j’ai compris que l’image me tenait prise, comme depuis toujours l’humanité, entre le ciel et la terre, entre la fascination et le réel.
Ce que saisit son cinéma, ses photos,  c’est tout d’abord le rapport aux corps et à l’énergie vitale des êtres : les personnages que Cecilia célèbre par sa caméra sont nos frères et sœurs, nos sages, nos repères. Ils nous enseignent la ferveur, l’insoumission, l’intégrité, l’éblouissement, l’admiration par l’intensité de leur présence. Ce sont des excentriques révolutionnaires.
La découverte de son film récemment retrouvé (Divino Amore, 1963) me prouve que Cecilia a toujours su différencier le geste d’amour du geste infligé par le dogme religieux.
Elle redonne à chaque femme, à chaque homme, à chaque enfant son humanité première et rapproche « ceux qui croyaient au ciel, ceux qui ni croyaient pas », comme le dit si bien la phrase d’Aragon.

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