Je me souviens de toutes ces jeunes réalisatrices venues avec crainte présenter leur premier film et qui furent saisies d’émotion en prenant conscience face à vous, public, qu’elles étaient désormais des cinéastes.
Je me souviens d’Angela Davis de sa fougue et de son soutien aux femmes noires, professionnelles du cinéma aux Etats Unis, en Afrique, en Angleterre en France, devant ou derrière la caméra, et partout où la diaspora les aura dispersées. Je me souviens de Safi Faye, de Léonie Yangba Zoé…
Je me souviens de la venue de Mai Zetterling et de sa visite à la Lucarne. De ses fous rire avec Delphine Seyrig qui l’accompagnait ainsi que Bibi Andersson.
Je me souviens du 1er témoignage de Maria Schneider contre le harcèlement subi par les comédiennes, lors de sa venue pour son autoportrait. Courageuse mais seule !
Je me souviens de toutes les collaboratrices et collaborateurs qui ont travaillé au festival. Je veux rendre hommage ce soir à toutes les équipes du Festival. A toutes celles et ceux, collaboratrices, collaborateurs qui ont suivi notre histoire depuis 1979 , à sa co-fondatrice Elisabeth Tréhard. Remercier toutes celles et tous ceux qui cette année ont oeuvré pour ce 40 ème anniversaire. Je leur dédie cet évènement en signe de reconnaissance de leur travail accompli, de leur engagement. Toutes et tous pouvaient être fières. Merci.
Et je partage avec celles et ceux de l’équipe, qui nous accompagnent actuellement, sans oublier les stagiaires, les bénévoles, les artistes et photographes associés, la fierté d’avoir mené un combat parfaitement justifié par la colère des femmes qui, récemment a fait sauter les verrous du silence en octobre 2017. Avec nos amis et partenaires de la Maison des Arts, de La Lucarne, le festival s’engage et nous avons décidé de transformer cette colère en partage, de construire des espaces de dialogue et d’échange. De ne plus nous taire. J’aurais aimé avoir un budget suffisant pour faire venir du monde entier, toutes les réalisatrices de chaque continent, qui depuis 1979, nous accompagnent, pour témoigner de cette dimension internationale de la création des femmes dans le cinéma.
Le temps est venu pour nous d’inventer d’autres stratégies, d’autres manières de gagner notre liberté, de revendiquer l’égalité avec des moyens, des budgets, des avances sur recettes, d’être soutenues et choisies par les commissions et les programmateurs. De s’appuyer sur des quotas. Cette revendication fait polémique elle est pourtant largement légitime. Fonder un tel festival en 1979 fut un pari, un risque et un engagement. Il y a 40 ans, nous avons créé cet espace où valoriser les réalisatrices. Avec cet intitulé : FILMS au pluriel DE FEMMES au pluriel.
Ce qui n’est pas ambigu et laisse place à une très grande notion de diversité de styles, de signatures et de contenus. Nous n’avons pas cherché à enfermer les réalisatrices dans un label : cinéma de femmes. Mais ouvert un lieu de visibilité.
Et donc ouvert aussi le regard à d’autres démarches, d’autres imaginaires…Certains l’ont ressentis comme un ghetto. Cet espace est né de l’exclusion existante.
40 ans plus tard le territoire a gagné en ampleur, les réalisatrices en reconnaissance et à Créteil elles disent : c’est ici que je me suis sentie cinéaste. Les nouvelles générations disent : on ne veut pas être mises à part, on veut partager le même espace.