Elles font genre

Une programmation entre passion et frissons pour une fantastique histoire des réalisatrices dans le cinéma de genre

 



Films de la section

Aux Frontières de l’...
Babysitter
Censor
Le Voyage de la peur
Medusa
Revenge
The Mafu Cage
Fornacis

Une programmation entre passion et frissons pour une fantastique histoire des réalisatrices dans le cinéma de genre

 



Films de la section

Le Jour où Maman est...
Meshes of the Aftern...
Nouvelle saveur
Os Mortos-vivos
Suspense
The Expected
SWITCH

Pour une fantastique histoire des réalisatrices dans le cinéma de genre.

La Palme d’or décernée à Julia Ducournau pour Titane en 2021 a déclenché les passions, mais elle a aussi permis de faire rayonner une femme dans un genre cinématographique qui en semble pourtant largement dépourvu. Fidèle à sa mission d’écriture permanente d’une Histoire des réalisatrices, le FIFF de Créteil propose, à travers une programmation de films et une table ronde, de plonger dans le cinéma « de genre » – l’horreur et l’angoisse dans un premier temps – pour y découvrir et redécouvrir des cinéastes – des origines du cinéma à nos jours – dont les films jouent brillamment avec les nerfs du spectateur.

Avant même l’intitulé « film de genre », le cinéma, depuis ses origines, est un terrain fertile pour confronter le spectateur à ses peurs les plus profondes. Si les films réalisés par les pionnier.ère.s Georges Méliès, Alice Guy ou Germaine Dulac développent des univers proches du fantastique, Lois Weber signe en 1913 Suspense, un véritable thriller et l’origine du film de « home invasion », dont le montage alterné trépidant n’a rien perdu en efficacité. Déjà à l’époque, jouer avec les émotions du spectateur demande une grammaire cinématographique et une forte personnalité derrière la caméra. Toujours aux États-Unis, c’est en 1953 qu’Ida Lupino réalise Le Voyage de la Peur (The HitchHiker), qui suit la prise d’otage de deux amis sur les routes du Mexique par un tueur en série en cavale. Si ce film est considéré comme le premier thriller réalisé par une femme, Lupino a multiplié les coups de forces dans ses choix de réalisatrice, en abordant par exemple la question des séquelles laissées par un viol chez une jeune femme dans Outrage en 1950.

Il y a comme un paradoxe si l’on compare la place que la peur occupe dans la vie des femmes, toutes les femmes et à des degrés bien divers, et celle qu’elle occupe dans leurs films. Que le « rape-and-revenge » movie, ces films où l’héroïne ayant subi les pires sévices se relève et entame une vengeance sanglante, ait été l’apanage de réalisateurs toutes ces années est en soit assez cocasse. Lorsque Coralie Fargeat signe Revenge en 2018, la revanche est à double sens. Parce que les films de genre ont potentiellement dans leur ADN une forte portée sociale et politique (pensons aux films de zombies, aux vampires, etc.), des réalisatrices ont pu y trouver un terrain d’émancipation et de critique. Ainsi, au sein de l’écurie de Roger Corman, maître d’oeuvre du cinéma fantastique américain des années 60 à 80, Stephanie Rothman a pu proposer une vision moins machiste et plus féminine du vampire dans son Velvet Vampire en 1971.

The Mafu Cage de Karen Arthur (1978), chef d’oeuvre rarement montré, nous plonge dans la folie qui ronge le personnage principal du film, une jeune femme déséquilibrée qui habite avec sa soeur dans une immense maison, remplie comme un cabinet de curiosité de l’héritage colonial. Le film révèle progressivement la barbarie cachée par un voile de civilisation bien fragile et corrompu. Dans les années 80, le premier film d’Amy Holden Jones retourne les codes du slasher pour en faire une version féministe dans The Slumber Party Massacre. Et Kathryn Bigelow, avec sa mise en scène virtuose et implacable, réinvente le mythe des vampires dans Aux Frontières de l’aube (Near Dark), qui tient ici autant du gore que de la satire d’une Amérique rurale arriérée. Aujourd’hui, c’est Anita Rocha da Silveira qui reprend le flambeau d’un cinéma d’horreur revendicatif et révolté, à travers son portrait terrifiant du Brésil sous Bolsonaro dans Medusa (2021). La vie des jeunes femmes, prisonnières d’une société ultra-religieuse, y semble réduite à un cri. En Afrique du Sud, Kelsey Egan signe avec son premier film Glasshouse (2021) une dystopie écologique fascinante. Dans un monde où l’air n’est plus respirable, une famille essentiellement constituée de femmes survit en se protégeant de toute visite extérieure. Mais lorsqu’une des filles recueille un homme blessé, tout l’environnement va se dérégler, dans une ambiance empoisonnée évoquant les Proies de Don Seigel.

Le cinéma de genre demeure avant tout, pour les cinéastes comme pour les spectateurs, une grande aventure esthétique, une promesse de liberté thématique et formelle. Trouble Every Day réalisé par Claire Denis en 2001, demeure un chef d’oeuvre dont la beauté réside dans son mystère insondable. Relecture du film de vampire, cannibalisme, histoire d’amour impossible, les personnages du film se croisent, se regardent puis se dévorent. Du « genre », Denis ne retient que des figures, et les transperce de sa mélancolie et de son sens des espaces injoignables. Julie Delpy, dans la Comtesse (2009), s’approprie le film de vampire d’une toute autre façon, avec un classicisme et un plaisir évident à jouer de la reconstitution historique, avec la grande beauté de ces images et l’immense cruauté du personnage qu’elle interprète, la monstrueuse Comtesse Bathory. Ainsi, depuis les années 2000, les incursions de réalisatrices dans le cinéma de genre se sont multipliées. On peut se réjouir de cette liberté d’invention, de récits et de délires formels dans le cinéma français contemporain. Aurélia Mengin, depuis La Réunion avec Fornacis ; Marina de Van, qui, à travers Dans ma peau et Dark Touch, construit bien trop discrètement une oeuvre d’une grande force ; Coralie Fargeat, ou encore plus triomphalement Julia Ducourneau : autant de réalisatrices chez qui on retrouve la même volonté de s’émanciper du réalisme, à travers des thématiques personnelles et originales.

À ce titre, le cinéma de Lucile Hadžihalilović Innocence, Évolution, de très beaux courts métrages et son nouveau film Earwig – tient une place toute particulière. Pare qu’il est difficile de l’associer à « un genre » justement, mais que tous ses films explorent les dimensions sensuelles et sensorielles liées à l’angoisse, son oeuvre est très singulière. Cinéaste de l’infra et du détail, là où les effets du cinéma de genre sont souvent à l’extrême opposé, elle invite le spectateur dans un univers quasi-méditatif, mystérieux et envoûtant.

Laurence Reymond



Table ronde Elles font genre – en partenariat avec ARTE

Mercredi 16 mars à 10h00 à la MAC – Satellite

PARCOURS FÉMININS DANS LE CINÉMA DE GENRE

En partenariat avec ARTE, cette table ronde permettra de s’interroger sur la rareté des femmes se lançant dans de tels projets, et d’évoquer les possibles difficultés rencontrées, préjugés ou auto-censure, ou bien encore les évidences et les moments de réussite. Nous aborderons ensuite plus en profondeur le travail de chacune des participantes, les univers thématiques et esthétiques, des origines de leurs cinéphilies, au parcours qui a mené à la réalisation des films. Nous partagerons ainsi avec le public des histoires de création originales, qui nous l’espérons, aideront à ouvrir un chemin pour les cinéastes en devenir. en présence des réalisatrices :

  • Julia Kowalski, réalisatrice (Crache coeur),
  • Lucile Hadžihalilović, réalisatrice (à qui nous rendons hommage cette année)
  • Aurélia Mengin, réalisatrice, productrice et fondatrice du festival « Même pas peur – Festival International du film fantastique de la Réunion »
  • Anaïs Bertrand, productrice (Insolence production)
  • ainsi que, en visioconférence, l’actrice-réalisatrice Julie Delpy (La Comtesse) et la réalisatrice Anita Rocha da Silveira (Medusa).

Les discussions seront modérées par Christophe Lemaire, journaliste.

ARTE FÊTE SES 30 ANS AU FESTIVAL INTERNATIONAL FILMS DE FEMMES DE CRÉTEIL

Rassemblés autour de valeurs communes, ARTE et le FIFF partagent l’ambition de rapprocher les Européen-e-s par la culture autour d’un imaginaire commun. Cet idéal européen infuse aussi dans le cinéma de la jeune création et notamment celui des réalisatrices que la chaîne soutient, à travers l’accompagnement de leurs films. Résolument tournée vers l’avenir, ARTE se projette plus que jamais vers un vaste horizon pour faire résonner leur voix. Pour ses 30 ans, ARTE se réjouit d’accompagner au FIFF la Table ronde Elles font genre le mercredi 16 mars et de présenter en soirée l’avant-première du film Earwig de Lucile Hadžihalilović, en sa présence. La table ronde sera ainsi enregistrée, pour une rediffusion ultérieure sur le site du FIFF et sur la plateforme Arte.tv.



Elles font genre… La Lucarne aussi



Films de la section

Grave
In the Cut
Innocence
La Comtesse
Proxima
The Rider
Titane