Édition 2004

Du 12 au 21 mars 2004

26ème édition

Catalogue

Compétition fiction

Angel Na Obotchninié/ Shantytown…
Die Farbe Der Seele…
Goldfish Memory
J’ai Toujours Voulu Être…
Miso – A Smile
Na Cidade Vazia –…
Perfect Strangers
Pitons – The Python
Solid Air
Te Doy Mis Ojos…

Compétition documentaire

Als Wär’s Das Wahre…
Die Kinder Des Geldes…
Double Dare – Double…
Du Ska Nog Se…
Elena Dimitrievna Diakonova Gala
L’etranger Du Grand Fleuve
One Of Many
Organizaciones Horizontales
Prison Lullabies
Thème Je

Compétition court métrage

9:30
A Quoi Ça Sert…
And The Red Man…
Aurora Boréalis
De Lana Caprina
Diário Do Sertão Carnets…
Giulietta Della Spazzatura
Green Oaks Les Chênes…
I’m Not Going
Keshavarz Va Gav –…

Autoportrait : Dominique Blanc

Dominique Blanc est en passe de devenir l’une des meilleures comédiennes de sa génération. Par son jeu subtil, sa présence forte, son indéniable charisme sur scène mais également à l’écran, elle atteint aujourd’hui une plénitude artistique, sans cesse enrichie des interactions permanentes qu’elle entretient avec le théâtre, le cinéma et la télévision. Personnalité hors du commun, mais d’une chaleureuse simplicité,  nous la sentons capable de prendre tous les risques, notamment avec les jeunes cinéastes français. Elle nous émeut, nous donnant à voir et à ressentir les mille facettes des personnages qu’elle incarne, avec le talent des très grandes actrices du 7ème art.

Faire son chemin. Seule.

Mon père était accoucheur gynécologue. Pour moi, c’est le plus beau métier du monde.  Un jour il m’a expliqué qu’avec son équipe, il avait mis au monde l’équivalent d’une petite ville. Mon père qui a souffert des mandarinats féroces qui existaient, et qui existent toujours dans la médecine, nous a toujours dit : « Vous ferez votre chemin tout seuls ! ». Mes parents n’ont pas du tout été d’accord avec mon choix professionnel. Pour ma famille, je reste une extra-terrestre. Je suis la seule à m’être lancée dans cette bizarrerie. Le métier de comédienne tient du Fantastique, mais c’est aussi un métier de grande Fragilité comme on l’a vu cette année avec le mouvement des intermittents du spectacle.

Du théâtre au cinéma

La formation théâtrale apporte des sédiments au métier d’actrice de cinéma. Le théâtre repose uniquement sur le texte, l’auteur et le comédien. Le comédien y gagne une indépendance, une solitude, et cela l’aide à inventer pour le cinéma. Les comédiens et les comédiennes qui me font encore rêver, sont souvent des gens qui ont démarré au théâtre. Il y a quelque chose de profondément solide, très lié à l’histoire de l’humanité, quand le théâtre revisite les grands mythes antiques. On se rend compte que l’humanité aime entendre et réentendre ces histoires qu’elle connaît depuis plus de 2000 ans. C’est très émouvant. Le cinéma, sous des formes différentes, fait aussi appel aux grandes tragédies grecques. Ce sont des histoires de passion, de jalousie, d’amour et de pouvoir….

 

Au théâtre il y a une dimension charnelle, presque érotique avec le public, que j’aime retrouver et qui finit par me manquer lorsque je ne joue qu’au cinéma. Ce rapport au public est décalé. Lorsque j’assiste à une projection je suis très touchée par les applaudissements du public, mais quelquefois c’est pour un film d’il y a 10 ans. C’est un décalage temporel. Alors qu’au théâtre il y a un effort physique de deux, trois heures, et un partage en direct qui tout à coup se fait. Il y a une espèce de communion à ce moment-là.

Inventer pour le cinéma

Dans le cinéma, il y a un fait qui me sidère c’est que les gens se perdent. Souvent, les équipes s’entendent extrêmement bien pour un film, et puis on se perd. Ce compagnonnage avec Chéreau, Régis Wargnier et d’autres, m’a construite. Patrice Chéreau est admirablement passé du théâtre au cinéma, à travers la mise en scène, comme Cassavetes et beaucoup de réalisateurs hollywoodiens. On ne s’est pas perdu, malgré ces multiples passages du théâtre au cinéma. Mais c’est Régis Wargnier qui m’a fait démarrer au cinéma dans La Femme de ma vie (1986). J’interprétais le rôle d’une jeune alcoolique suicidaire.

Phèdre avec Patrice Chéreau

Le personnage de Phèdre m’a bouleversé car il représente l’amour passion absolu. Il y a aussi l’envie de la mort, de la disparition totale. L’envie permanente du suicide. Un personnage qui arrive sur scène en disant qu’il a envie de mourir. Qui au deuxième acte nous annonce qu’il a envie de mourir par la main de son aimé. Et qui se dit qu’au fond, ce serait encore mieux de se donner la mort elle-même. De ses propres mains. C’est l’amour noir absolu. J’ai eu un bonheur fou à incarner cette femme-là.

Des personnages de femmes libertaires

J’ai connu une expérience admirable avec Nora dans La Maison de poupée d’Ibsen, mis en scène par Deborah Warner. On a répété et finalisé cette représentation en trois semaines, à peine. Les héroïnes comme Nora sont des personnages écrits  il y a un peu plus de cent ans, et les gens vous arrêtent parfois dans la rue en vous disant « bravo pour Nora ». Ce sont des personnages qui aident considérablement à vivre.  Quand j’ai joué cette pièce à l’Odéon, des femmes m’attendaient à la sortie pour me dire : »mais vous savez, ça n’a pas changé… ». Une femme qui a le courage de quitter son mari, et surtout ses enfants, reste encore totalement incomprise. Quel courage absolu lorsqu’à la fin elle dit : »je pars ! ». Pendant les trois mois de représentations de cette pièce, il y avait un silence d’une très grande densité sur cette réplique finale. Et puis il y a eu Célimène dans Le Misanthrope mis en scène par Antoine Vitez. C’est aussi un personnage très libertaire et qui souvent a été vue comme une coquette écervelée. C’est tout à fait le contraire évidemment. Je pense aussi à Suzanne dans Le Mariage de Figaro, (ou La Folle journée) qui est une jeune fille qui va se battre toute une journée pour que son mariage ait lieu, et qu’elle ne subisse pas le droit de cuissage du comte. Ce personnage féminin est incroyablement gai et fort.

La leçon de cinéma de Lucas Belvaux

Je ne peux pas résister à certaines écritures, comme celui du personnage d’Agnès, dans Après la vie (2002) de Lucas Belvaux. Dans le premier film de la trilogie, on voit ce prof d’anglais pas trop bien dans sa peau et l’on ne sait pas pourquoi. Elle boit un peu trop de champagne… Dans Cavale, il y a une espèce de déflagration et puis dans le troisième film  c’est la révélation de tous les mystères : la noirceur de son histoire d’amour avec son mari flic, et peut-être aussi son attirance pour le dealer terroriste.

Ce projet était incroyablement audacieux. Lucas a écrit et travaillé sur son film pendant sept ans et quand j’ai lu son scénario, j’ai eu l’impression de voir des dessins d’architecture d’Escher, avec des passerelles en équilibre fragile… J’avais l’impression qu’il était parti dans le cerveau et l’inconscient des personnages. Cette trilogie est une superbe leçon de cinéma .

Léonardo Di Caprio,… et les autres

Leonardo Di Caprio a tourné Rimbaud/Verlaine d’Agnieszka Holland avant Le Titanic. Il était déjà une star.  Quand j’allais le voir dans sa loge, il y avait toutes les couvertures des grands magazines américains étalées sur son lit, mais il n’avait pas du tout « la grosse tête ». Rimbaud/Verlaine  a été un tournage de toute grâce, de toute beauté. Mais le film a souffert d’une concurrence avec Le Titanic  et je pense que l’équipe « marketing » de Leonardo ne voulait à aucun moment, avant, pendant ou après la sortie du Titanic  qu’il puisse parler du film d’Agnieszka. Il faut donc saisir toutes les occasions de montrer Rimbaud/Verlaine  qui a été fait avec très peu de moyens, qui est admirablement tourné avec une espèce de fureur et de passion qui me touchent beaucoup.

Quand je jouais La Maison de poupée  à l’Odéon, je me souviens que le film est resté trois semaines à l’affiche d’un cinéma de ce quartier, et puis il a disparu. En revanche, il a eu une carrière importante dans les clubs vidéo. Toutes les adolescentes amoureuses de Léonardo louaient ce DVD. Ça a duré six mois, un an. C’est vraiment dommage car j’adore ce film.

Firmine Richard, Jackie Buet et Dominique Blanc, à Créteil en 2003

Entre Bette Davis et Susan Sarandon

Lors d’une interview au magazine Première, Louis Malle avait dit : »pour moi, Dominique est physiquement entre Bette Davis et Susan Sarandon . Cela m’avait beaucoup touché pour de multiples raisons. Il s’agit de deux immenses comédiennes, des femmes de caractère, l’une et l’autre très engagées. Mais par rapport à moi, Louis Malle faisait référence à mes débuts dans le cinéma.  On m’avait expliqué que mon physique n’allait pas, qu’il n’était pas cinématographique du tout. Et quand je lui ai parlé de moi, de cette souffrance à propos de mon physique qui posait des problèmes aux techniciens qui ne savaient pas comment m’éclairer, il m’a dit : »Tu sais, pour Jeanne Moreau c’était pareil. Dans les années 50 on lui avait fait une petite frange et l’on essayait de la déguiser en pin-up. Moi quand je l’ai connu, j’ai défait ses cheveux. Elle n’était pas maquillée et elle n’a jamais été aussi superbe que dans Ascenseur pour l’échafaud (1958)  » Tout à coup on a découvert la beauté d’un visage qui ne ressemblait à personne Si vous regardez bien toutes les comédiennes de Milou en Mai, vous remarquerez qu’elles n’ont jamais été aussi belles. Que ce soit Miou Miou filmée comme un petit bijou, Paulette Dubost qui est merveilleuse, toutes les femmes sont très belles. Il m’avait dit  » je voudrais que ton personnage passe de l’extrême laideur à l’extrême beauté, est-ce que ça te fait peur ? »  et j’avais répondu : »mais pas du tout, j’adore ça ». Au théâtre on joue sans miroir. Au cinéma on se regarde tout le temps dans la glace. Le matin à cinq heures on vous colle devant un miroir, et toute la journée si vous n’y prenez garde, la maquilleuse vous présentera le miroir. En ce qui me concerne cela me gêne plus où moins, cela dépend des rôles. Dans L’Allée du roi (Nina Companez) où je jouais un personnage de15 à 82 ans j’étais très obsédée par le vieillissement. Je voulais que ce soit crédible, donc je vérifiais ma coiffure et mon maquillage dans la glace. Le miroir ne fait pas partie de mon école de jeu. Je pense qu’il est indispensable dans la danse. Il peut l’être au cinéma. Mais au théâtre c’est le pire ennemi et cela n’a aucun intérêt . C’est le public qui dit et qui sent. A la limite, c’est lui notre miroir. Donc, c’était très important pour moi que je partage avec Louis Malle ce point de vue sur la beauté. Bette Davis pouvait être très moche. En particulier dans Now Voyager  que tout le monde connaît où elle joue les vieilles filles. Mais elle  finit tout de même en reine de beauté. Quand j’ai tourné Milou en Mai, Renato Berta faisait la photo. C’est un grand opérateur. Il est sorti un jour en regardant les rushes et il m’a dit « Tu as un visage de Madone « . Alors voilà ! Louis Malle et Renato me donnaient enfin le droit de faire du cinéma.

Faire des films ?

Ah oui ! mais j’ai encore beaucoup trop envie de jouer. J’ai encore trop de rêves à réaliser au cinéma. J’en aurais envie pour ne plus être l’instrument du désir des autres, même si c’est quelquefois tout à fait délicieux d’être cet instrument-là. Si on veut raconter une histoire à soi, on peut avoir envie de s’engager différemment, non pas pour diriger ou pour faire la « commandeuse » comme disent les enfants, mais tout simplement pour s’embarquer, dans la traversée loin, très loin dans ses propres rêves. « S’il te plaît, raconte moi une histoire ! ».

Propos recueillis par Elisabeth Jenny et Jackie Buet

 

 

FilmographieCinéma

1986

La Femme de ma vie,

Régis Wargnier

Terre étrangère, Luc Bondy

1987

Natalia, Bernard Cohn (sorti en 1989)

1988

Quelques jours avec moi, Claude Sautet

Savannah la ballade, Marco Pico

Une affaire de femmes, Claude Chabrol

1989

Je suis le seigneur du château, Régis Wargnier

1990

Milou en mai, Louis Malle

1991

Plaisir d’amour, Nelly Kaplan

1992

Indochine, Régis Wargnier

L’Affût, Yannick Bellon

1993

Faut-il aimer Mathilde ?, Edwin Baily

1994

Loin des barbares, Liria Begeja

La Reine Margot, Patrice Chéreau

Train de nuit (cm), Michel Piccoli

1995

Rimbaud/Verlaine (Total Eclipse), Agnieszka Holland

1997

C’est pour la bonne cause !, Jacques Fansten

Alors voilà, Michel Piccoli

1998

Ceux qui m’aiment prendront le train, Patrice Chéreau

La Fille d’un soldat ne pleure jamais (A Soldier’s Daughter never cries), James Ivory

2000

Les Acteurs, Bertrand Blier

Stand-By, Roch Stephanik

2001

La Plage noire, Michel Piccoli

Le Pornographe, Bertrand Bonello

Le Lait de la tendresse humaine, Dominique Cabrera

Avec tout mon amour, Amalia Escriva

2002

Peau d’ange, Vincent Pérez

C’est le bouquet, Jeanne Labrune

Après la vie, Lucas Belvaux (trilogie)

TV

1995

L’Allée du roi, Nina Companeez

Faisons un rêve de Sacha Guitry, Jean-Michel Ribes

2001

Un pique-nique chez Osiris, Nina Companeez

La Voleuse de Saint Lubin, Claire Devers

Phèdre, Stephan Metge

 

Théâtre1981

Peer Gynt  d’Henrik Ibsen, mise en scène Patrice Chéreau

1982

Schielmann  de Bruno Bayen, mise en scène Bruno Bayen

L’Idiot  de Dostoïevsky, mise en scène Jean-Louis Thamin

1983

Les Paravents  de Jean Genêt, mise en scène Patrice Chéreau

Tonio Krüger de Thomas Mann, mise en scène Pierre Romans

1984

Terre étrangère d’Arthur Schnitzler, mise en scène Luc Bondy

1985

La Culotte de Carl Sternheim, mise en scène de Jacques Rosner,

1986

Le Mariage de Figaro de Beaumarchais, mise en scène Jean-Pierre Vincent

1987

Le Misanthrope  de Molière, mise en scène Antoine Vitez

1988

Anacaona de J. Matellus, mise en scène Antoine Vitez

1989

Liebelei d’Arthur Schnitzler, mise en scène Gabriel Aghion

1993

Woyzeck  de Georg Büchner, mise en scène Jean-Pierre Vincent

1995

Lectures de poèmes de René Char

Une maison de poupée d’Henrik Ibsen, mise en scène Deborah Warner

 

 

Jury et Palmarès du Festival

Grand Prix du Jury – Meilleur long métrage de fiction
Ne dis rien (Te doy mis ojos) d’Iciar Bollain (Espagne)
Mention spéciale Grand Jury
A Smile (Miso) de Kyung-hee Park (Corée du Sud)
Prix AFJ – Meilleur long métrage documentaire
Du Ska Nog se att Det Gar Over (Don’t Worry it Will Probably Pass) de Cecilia Neant-Falk (Doc, Suède)
Mention spéciale AFJ
Les Enfants gâtés (Die Kinder des Geldes) de Daniella Marxer (Doc, France/Autriche)
Prix Graine de Cinéphage – Meilleur long métrage de fiction
Na cidade vazia (Attends, la ville sera vide) de Maria João Ganga (Angola)
Mention spéciale Graine de Cinéphage
Goldfish Memory de Liz Gill (Irlande)
Prix UPEC. Université Paris-Est-Créteil – Meilleur court métrage européen
Meine Eltern (Mes Parents) de Neele Vollmar (Allemagne)
Mention spéciale UPEC
Wasp d’Andrea Arnold (Royaume-Uni)
PRIX Beaumarchais – Meilleur court métrage francophone
À quoi ça sert de voter écolo ? d’Aure Atika (France)
Prix Programmes courts et créations CANAL + Meilleur court métrage
Zeke de Dana Buning (USA)
Prix du Public – Meilleur long métrage de fiction (doté par la Ville de Créteil)
Ne dis rien (Te doy mis ojos) d’Iciar Bollain (Espagne)
Prix du Public – Meilleur long métrage documentaire (doté par le département Val-de-Marne)
Voyage en mémoires indiennes (One of Many) de Jo Béranger, Doris Buttignol (Doc, France/Allemagne)
Prix du Public – Meilleur court métrage étranger
Aurora Boréalis de Lisbeth Dreyer (Norvège)
Prix du Public – Meilleur court métrage français
Le Lion volatil d’Agnès Varda (France)